
BIO :
Après des études photographiques orientées vers la mode et le studio, Arnaud Meyer commence très tôt à travailler avec nombre de prestigieux magazines ainsi qu’avec diverses maisons de disques. Dès la fin des années 90 se dessine par ailleurs pour l’artiste la nécessité d’amorcer une démarche réflective plus personnelle, en parallèle d’un travail de commande qu’il continue néanmoins de pratiquer depuis plus de 17 ans pour la presse, les agences ou les éditions. Invitant les techniques de la mode et de la publicité dans ses travaux personnels, Arnaud Meyer aboutit à la création d'univers aussi largement plastiques que minimalistes et qui mettent en résonance avec un subtil équilibre, interrogations de forme et questionnements de fond. Sa démarche, hautement introspective, sonde les lumières et les perspectives en une constante volonté d’asservissement utilitaire de l’esthétique et du beau ; une harmonie picturale comme support d’un argumentaire convoquant la réflexion active du regardeur sur différentes problématiques sociétales, comportementales et écologistes.
DÉMARCHE :
Série Naturalisés :
Comme si par le choix d'une préséance du contournement sur l'approche frontale - de l'attaque transverse sur l'assaut brutal - le message avait plus de chances de toucher sa cible, Arnaud Meyer préfère à la dénonciation bruyante et outragée le feutré du constat et de la métaphore. La démarche est simple, sans fioritures et dépourvue de toute volonté de monumentalisation de l'œuvre plastique, dont on pressent rapidement que l’esthétique soignée est avant tout mise au service d’un devoir de mémoire : mémoire d'espèces éteintes ou menacées, mémoire de ces agissements humains aussi, qui décennies après décennies entraînent l'inéluctable appauvrissement de nos écosystèmes. La confrontation d’avec ces animaux-totems, témoins d'un autre temps, d'un autre rapport à la terre et aux êtres, provoque l’inconfort : la fixité de ces regards sauvages, l’immobilisme paisible et compréhensif de ces corps à l’arrêt se fait peu à peu accusation criante. Leur simple présence, dans ce qu'elle a de plus univoque et placide, entraîne chez le regardeur un embarras tel que l’on en viendrait presque à souhaiter qu'ils se mettent tout à coup à s'animer, qu'ils se décident à briser enfin ce silence gênant et autarcique qui peu à peu nous enveloppe de son voile opaque et incriminateur. Le travail photographique sous-jacent n'est sans doute pas étranger au déploiement de ce sentiment de malaise : travaillées dans le noir le plus total, à l'aide d'une simple lampe torche, ces photographies d'animaux empaillés ont obligé leur auteur à s'immerger totalement dans l'univers de ses sujets, aussi bien temporellement que spatialement. Une confrontation physique donc, un combat d'égal à égal avec l'animal qui donne une force spectaculaire aux images de la série.
Série Forêts :
Parce qu’elles sont les piliers d’un écosystème en juste équilibre, d’une forme d’harmonie de la création et des êtres qui la peuplent, les forêts et leur défiguration multiforme se sont élevées depuis quelques décennies au rang de hérauts tristement célèbres d’un progrès trop téméraire, d’une logique globalisée qui défie les logiques fondamentales.La forêt porte aujourd’hui en elle les valeurs douloureusement antinomiques du sublime et de l’atroce, de l’espérance et de la fatalité, de l’immuable et du fragile enfin. C’est à ces espaces que l’on saignent, que l’on défigurent sans répit et qui pourtant jamais ne jugent ou ne protestent, qu'Arnaud Meyer a voulu rendre hommage. Nulle représentation du saccage à l’oeuvre, nulle description du bruit et de la fureur qui chaque seconde font disparaître l’équivalent d’un terrain de football de ces sanctuaires millénaires, la démarche n’est en aucun cas un combat. Comme découragée d’avance par la fatalité des agissements, l’absurdité des logiques en mouvement et l’ampleur du mal à combattre, l’oeuvre photographique semble préférer au désespoir d’un duel perdu d’avance une forme de retour en arrière, de recalage de la réflexion sur ce qu’elle a de plus fondamental. Recherche de refuge, d’une bulle d’espace temps suspendu dans le ce qui reste d’intact et de sublime, Arnaud Meyer nous replonge comme pour une dernière fois dans les origines d’un monde de silence et d’attente, d’un univers où l’environnement n’est pas esclave servile ou ennemi à mettre au pas mais simple lieu de vie. La forêt comme espace triplement méditatif, contemplatif et introspectif donc, pour une dernière bouffée d’oxygène avant l’aphasie totale et l’arrivée des craquements sinistres, prolégomènes d’une fatalité annoncée.